Pour certains, " Fortune de Mer "
évoque les coups du sort que la mer réserve aux marins.
Pour dautres, cest le droit de recueillir sur le rivage
les épaves que la mer laisse après la tempête.
Pour moi, cest ce matériau précieux, marqué
par la mer et le temps, qui permet la réalisation de ces oeuvres
qui sont autant dinvitations au voyage.
Ma démarche est la suivante :
Je parcours à longueur d'année les grèves du littoral de Bretagne sud ou les îles du Golfe du Morbihan. Je collecte les morceaux de bois d'épave et de bois flotté qui ont attiré mon attention, soit par leur forme, leur couleur, leur aspect... soit par leur vécu. C'est une pratique courante qui peut s'appeler "aller au pinsé" ou "à gravage" sur d'autres côtes.
Un petit morceau de bois a beaucoup de choses à raconter. D'abord son passé en tant qu'arbre, branche ou racine avec ses noeuds, ses veines...
Ensuite, il a été façonné par l'homme pour devenir membrure, bordé, gouvernail...
Enfin, il a été meurtri par le ragage sur les rochers, poncé par le sable, rongé par les vers marins. En somme, il est riche de tout son passé.
En général, une pièce qui a suscité mon intérêt va devenir la pierre angulaire de la future réalisation. J'organise autour d'elle les différentes pièces d'un puzzle dont le dessin final reste à trouver. Je me fie alors à mon instinct : la courbure d'une membrure vient équilibrer la raideur excessive d'un bordé, une volée de rivets oxydés va atténuer la masse trop imposante de cette porte de panier à crabes...
La construction s'achève lorsque je pense avoir donné suffisamment d'indices pour que l'ensemble "fonctionne". Je suis souvent moi-même surpris de la composition qui vient d'émerger.
Le titre vient alors après la réalisation. C'est le cas de tableaux comme "Bréhat la rouge" ou "Pécheurs d'histoires".
Une autre démarche, sorte de dérive à partir du vécu, m'est également familière.
D'un souvenir, d'une rencontre, d'une idée, d'une sensation ou de tout autre chose, peut surgir l'envie de s'exprimer. C'est la position de l'artiste devant la page blanche. Dans ce cas-là, les esquisses sur le papier m'ont rarement été d'un grand secours. J'essaie d'imaginer les matériaux et les codes plastiques qui vont pouvoir lui donner forme. Après une maturation plus ou moins longue, la composition du futur tableau s'impose d'un coup comme une évidence. Il me reste alors à choisir dans mes réserves les pièces qui permettent de concrétiser cette "vision".
Arrivé à terme, quand l'oeuvre est achevée et exposée, il n'est pas essentiel que le spectateur rejoigne cette interprétation qui m'est personnelle.
S'il peut y investir son propre imaginaire et aiguiser ses propres sensations, c'est tant mieux ! Je n'ai d'autres désirs que de l'inviter au voyage.